Publié en avril 2018, le présent document est le deuxième de trois documents de discussion liés à l’initiative Acteurs du changement que diffuseront CAMH et son partenaire principal, la société Morneau Shepell, dans le but d’inciter les Canadiennes et les Canadiens à se joindre à la conversation nationale sur la santé mentale, conversation qui débouchera sur un symposium des acteurs du changement, le 23 mai 2018.
La maladie mentale nous affecte tous. Que vous soyez parmi ceux qui, chaque année, sont aux prises avec une maladie mentale une personne sur cinq ou que vous soyez l’ami, le membre de la famille, le fournisseur de soins ou le collègue d’une personne atteinte, il est important de créer des milieux propices à la santé mentale, où nous pouvons tous vivre, étudier, travailler et nous divertir. De cette façon, notre vie quotidienne favorise notre mieuxêtre et nous met en contact avec les soutiens appropriés lorsque nous en avons le plus besoin.
À l’automne 2017, CAMH a célébré les acteurs du changement qui nous ont fait découvrir les meilleures pratiques pour créer des milieux propices au mieuxêtre mental et qui permettent aux personnes ayant un problème lié à la santé mentale ou aux dépendances de trouver des soins. Les témoignages des acteurs du changement ont attiré l’attention sur les thèmes suivants :
l’importance d’un leadership solide à tous les niveaux d’un organisme, et dans chaque milieu :
le besoin de nouvelles compétences nous devons apprendre non seulement à surveiller et à gérer notre propre mieuxêtre, mais aussi à reconnaître les signes de détresse chez les autres :
le besoin d’investir dans la formalisation et la normalisation d’initiatives pour obtenir des changements durables :
Créer des milieux propices à la santé mentale où nous pouvons tous vivre, étudier, travailler et nous divertir exige un leadership à tous les niveaux. Dans les milieux d’éducation, bien qu’il soit important que les décideurs politiques et les administrateurs jouent le rôle de chef de file pour appuyer les initiatives visant la promotion du mieuxêtre mental à l’échelle du système, une approche purement descendante n’est pas la solution. Les enseignants et autres adultes de la communauté alliés à la cause, ainsi que les étudiants euxmêmes, ont également un rôle essentiel à jouer.
Selon les estimations, la maladie mentale touche chaque année 1,2 million d’enfants et de jeunes au Canada.1
Selon un sondage mené par CAMH auprès d’adolescents en milieu scolaire au Canada (le plus ancien de son genre) qui porte sur les étudiants du secondaire en Ontario, en 2015 :
un étudiant sur six (17 p. 100) a déclaré avoir une santé mentale passable ou mauvaise, soit une augmentation considérable par rapport à 2007 (11 p. 100), première année où la question a été incorporée au sondage ; 2
plus du quart (28 p. 100) des étudiants ont signalé qu’au cours de l’année écoulée, ils ont éprouvé le besoin de parler à quelqu’un d’un problème de santé mentale, mais qu’ils ne savaient pas vers qui se tourner. 3
Dans les milieux d’éducation se produisent d’importantes transitions entre les étapes de la vie, par exemple entre l’éducation secondaire et l’éducation postsecondaire, ou encore entre l’école et le travail. L’Énoncé de consensus sur la santé mentale des adultes émergents, publié en 2017 par la Commission de la santé mentale du Canada, décrit une telle transition comme « un stade critique du développement — une période où les jeunes approfondissent leur compréhension de leur identité et de leurs relations, assument de nouvelles responsabilités et définissent leurs vérités individuelles. » Il n’est pas surprenant que l’un des 11 principes d’un système transformé, identifiés dans l’Énoncé, est que « les adultes émergents jouent un rôle intégral de co-création de solutions conçues pour répondre à leurs besoins. »4
Les personnes qui sont aux premières lignes pour ce qui est de promouvoir le mieuxêtre mental et de veiller à ce que ceux qui ont besoin de soins puissent y accéder dans les milieux d’éducation reconnaissent qu’un grand nombre d’initiatives ayant porté fruit dépendent de la participation de leaders étudiants.5 Qu’il s’agisse du programme Thrive (site en anglais) de l’Université de ColombieBritannique ou du programme L’esprit curieux en cours d’essai dans certaines universités canadiennes (et élaboré avec la participation d’étudiants de l’Université de Calgary), les programmes qui font participer les leaders à tous les niveaux affichent des résultats prometteurs.
Eric Windeler
“Les jeunes sont trop souvent écartés des processus décisionnels qui les touchent directement, et les espaces se rapportant à la santé mentale ne font pas exception. Pour aborder de façon efficace les questions liées à la santé mentale des jeunes, il est d’importance vitale de faire entendre leur voix, et ce d’une manière sensée, constructive et durable. Les jeunes possèdent les connaissances qui leur permettent de comprendre leur communauté, surtout en ce qui concerne les barrières qui empêchent leurs pairs de s’exprimer. Il est donc essentiel que nous nous engagions à avancer de concert avec les jeunes, et non pas en leur nom.”
Eric Windeler, acteur du changement de CAMH et fondateur de jack.org
Les plateformes en ligne se sont insinuées dans presque tous les aspects de la vie : notre façon d’étudier, de travailler et de nous divertir. D’un côté, les flux des médias sociaux nous présentent sans cesse les derniers articles sur l’omniprésence de la technologie et son impact sur la santé mentale d’une génération entière de jeunes.6 D’un autre côté, grâce aux soutiens en ligne en matière de santé mentale, les personnes qui préfèrent la communication numérique ou qui, pour des raisons géographiques, ne peuvent recevoir des services de santé en personne, peuvent accéder aux services d’une nouvelle façon.7 Il existe des conseils et des outils pour aider à faire pencher la balance vers une expérience positive en ligne.8 D’autres son-tils nécessaires ?
D’après le sondage ontarien déjà cité, en 2015 :
la majorité des étudiants de niveau postsecondaire (86 p. 100) ont déclaré avoir consulté quotidiennement des sites de médias sociaux. Environ un sur six (16 p. 100) consacraient chaque jour cinq heures ou plus aux médias sociaux, soit une augmentation considérable depuis 2013 (11 p. 100) ;9
un étudiant sur 10 (10 p. 100) passait cinq heures ou plus par jour aux jeux vidéo, et un sur huit (13 p. 100) a dit avoir eu des symptômes d’un problème lié aux jeux vidéo.10
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a annoncé l’inclusion de la catégorie « trouble du jeu vidéo » dans le projet de révision (juin 2018) de la Classification internationale des maladies (CIM). Ce trouble est défini comme un comportement « qui se caractérise par une perte de contrôle sur le jeu, une priorité accrue accordée au jeu, au point que celui-ci prenne le pas sur d’autres centres d’intérêt et activités quotidiennes, et par la poursuite ou la pratique croissante du jeu en dépit de répercussions dommageables. »11
Les jeunes ne sont pas les seuls chez qui on observe une augmentation constante du recours à la technologie. La quasi-totalité des Canadiens de moins de 45 ans utilisent Internet tous les jours, et le taux d’utilisation chez ceux âgés de 45 ans ou plus demeure élevé.12
Dans le contexte du dialogue sur le nombre croissant d’heures que nous passons en ligne, certains voient la valeur potentielle des espaces en lignes, qui offrent des occasions de s’exprimer plus ouvertement sur la maladie mentale :13
un Canadien sur 10, toutes tranches d’âge confondues (dont un quart de la « génération Y »), déclare avoir affiché un message en ligne lorsqu’il éprouvait des difficultés. Cela signifie que la technique d’extraction du contenu de sites Web [« Internet scraping »] est prometteuse14 - il s’agit d’un outil que certains sites de médias sociaux commencent à déployer15 et qui permet de repérer les personnes susceptibles d’avoir un problème de santé mentale, pour pouvoir leur offrir une aide.
Cam Adair
"Ce qui m’inspire le plus dans mon travail en santé mentale, c’est de voir à quel point les personnes atteintes se rétablissent lorsqu’elles ont la possibilité d’apprendre et de s’informer à l’aide d’un contenu accessible et pertinent pour leur expérience. La technologie et les plateformes en ligne sont de puissants outils qui permettent de rejoindre les personnes ayant besoin d’aide, de jeter un pont pour établir un rapport avec elles et de les inciter à se connecter le point de départ du rétablissement.”
Cam Adair, acteur du changement de CAMH et fondateur de Game Quitters
Beaucoup d’adultes passent la plus grande partie de leur journée dans un milieu de travail, d’où l’importance critique de ces espaces pour promouvoir la santé mentale et orienter les gens vers les soutiens appropriés. Le fait de normaliser et de formaliser les initiatives connexes a pour effet non seulement d’améliorer les résultats socioéconomiques tant des employés que des employeurs, mais aussi de contribuer à l’atténuation globale des préjugés dans notre société, et de sensibiliser les gens à la réalité que la santé passe par la santé mentale :
Ces dernières années, la santé mentale en milieu de travail a pris de l’importance étant donné les preuves grandissantes que le fait de passer la santé mentale sous silence a des conséquences socioéconomiques, tant pour les employés que pour les personnes qui font face à des barrières à l’emploi à cause de leur expérience de la maladie mentale.16
La société Morneau Shepell mène des sondages annuels à l’échelle nationale sur la santé mentale des employés et des employeurs. Selon ses résultats :
une grande majorité des cas d’absence au travail pour des raisons de santé mentale ne sont pas déclarés officiellement 66 p. 100 de ceux qui ont pris un congé en 2016 pour des raisons de santé mentale l’ont fait officieusement ;17
plus de la moitié (54 p. 100) des employés ayant pris un congé pour des raisons de santé mentale avaient des suggestions sur ce que leur milieu de travail aurait pu faire pour prévenir leur absence, soit deux fois la proportion d’employés ayant pris un congé pour cause d’incapacité liée à leur santé physique (27 p. 100) ;18
les employés et les employeurs sont d’accord pour dire que l’élément le plus important d’une stratégie de santé mentale en milieu de travail est la présence d’un gestionnaire qui sait quoi faire lorsqu’un employé présente des signes de détresse. Pour les employés, le deuxième élément le plus important d’une telle stratégie est l’amélioration de la culture de travail globale.19
Il faut accorder une attention particulière à la nature changeante du travail et des liens sociaux dans tout effort de promotion de milieux de travail propices à la santé mentale. Par exemple, selon des recherches menées par Morneau Shepell en 2018 sur la santé mentale en milieu de travail, le niveau de stress tant personnel que professionnel augmente :
les répondants citent les facteurs suivants comme étant leurs plus grandes sources de stress en milieu de travail : la charge de travail, les journées longues, les collègues et les responsabilités professionnelles ;20
les femmes sont plus susceptibles que leurs collègues masculins de signaler un niveau de stress élevé en milieu de travail ;21
sur le plan personnel, les employés, tout comme les gestionnaires, citent les difficultés financières, le vieillissement de leurs parents et un sentiment d’isolement comme leurs plus grandes sources de stress.22
La Norme nationale du Canada sur la santé et la sécurité psychologiques en milieu de travail de la Commission de la santé mentale du Canada est une série de lignes directrices, d’outils et de ressources dont l’application est volontaire et qui est conçue pour aider les organismes à promouvoir la santé mentale et à prévenir les préjudices psychologiques en milieu de travail :
selon une étude de 40 organismes canadiens ayant mis en œuvre la Norme nationale, les trois mesures les plus utilisées pour améliorer la santé et la sécurité psychologiques des employés sont une politique de milieu de travail respectueux, accompagnée d’une sensibilisation des employés (78 p. 100) ; les programmes d’aide aux employés et autres services de santé mentale (70 p. 100) ; l’amélioration des connaissances sur la santé mentale et une sensibilisation accrue du personnel (66 p. 100).23
Benjamin Leikin
“Je vois de plus en plus de gens qui commencent à comprendre que le fait de prioriser la santé mentale en milieu de travail a du sens, tant sur le plan éthique que sur le plan économique. Pour aider les organismes et les employés à faire avancer les initiatives de santé mentale en milieu de travail, Santé publique Ottawa et la Commission de la santé mentale du Canada ont élaboré conjointement des vidéos interactives ( www.tempsdenparler.ca), ainsi qu’un guide de l’animateur qui vise les milieux de travail de toutes tailles. Jetez un coup d’œil aux vidéos et au guide, et vous verrez ce que vous pouvez faire pour améliorer la santé mentale dans votre milieu de travail !”
Benjamin Leikin, acteur du changement de CAMH et superviseur de l’équipe de santé mentale de Santé publique Ottawa
Nous assistons à une conscience croissante de l’importance d’investir dans la création d’espaces plus sains sur le plan de la santé mentale. Plus nous serons nombreux à comprendre la nécessité d’une action concertée, plus il sera important d’approfondir notre connaissance collective des meilleures pratiques et des expériences positives. À mesure que nous faisons chacun notre part pour créer des milieux propices à la santé mentale où nous pouvons tous vivre, étudier, travailler et nous divertir, nous devons garder trois leçons à l’esprit : l’importance d’un leadership à tous les niveaux, l’acquisition de nouvelles compétences, et la normalisation et la formalisation des initiatives. Quelles sont nos prochaines étapes, et quelles conversations devonsnous entamer en vue de favoriser la santé mentale et de fournir une aide appropriée aux personnes qui en ont besoin, aussi bien en ligne que dans nos écoles et nos milieux de travail ? Restez à l’écoute pour notre troisième et dernier document de discussion, sur l’Innovation, que nous publierons bientôt !
1Commission de la santé mentale du Canada. Projet de recherche sur la santé mentale et la consommation de substances en milieu scolaire, 2016. Page consultée : https://www.mentalhealthcommission.ca/sites/default/files/SubstanceAbuse_SBMHSA_Summary_FRE_1.pdf
2Boak, A., H.A. Hamilton, E.M. Adlaf, J.L. Henderson, et R.E. Mann. The mental health and well-being of Ontario students, 19912015: Detailed OSHUHS Findings (Document de recherche de CAMH no 43), Toronto (Ontario), Centre de toxicomanie et de santé mentale, 2016.
3 Ibid.
4Commission de la santé mentale du Canada. Énoncé de consensus sur la santé mentale des adultes émergents : Faire de la transition une priorité au Canada, Ottawa (Ontario), Commission de la santé mentale du Canada, 2017.
5« Students are not fragile flowers we must care about their mental health [éditorial] », The Globe and Mail, 5 octobre 2017. Page consultée : https://www.theglobeandmail.com/opinion/students-are-not-fragile-flowers-we-must-care-about-their-mental-health/article36498798/
6Twenge, J.M. « Have Smartphones Destroyed a Generation? », The Atlantic, septembre 2017. Page consultée : https://www.theatlantic.com/magazine/archive/2017/09/has-the-smartphone-destroyed-a-generation/534198/
7Commission de la santé mentale du Canada. La cybersanté mentale au Canada : Transformer le système de santé mentale grâce à la technologie, Commission de la santé mentale du Canada, 2014. Page consultée : https://www.mentalhealthcommission.ca/sites/default/files/2016-11/MHCC_E-Mental_Health-Briefing_Document_fr.pdf.pdf
8Heitner, H. « Rules for Social Media, Created by Kids », The New York Times, 5 janvier 2017. Page consultée : https://www.nytimes.com/2017/01/05/well/family/the-unspoken-rules-kids-create-for-instagram.html
9Boak, A., H.A. Hamilton, E.M. Adlaf, J.L. Henderson, et R.E. Mann. The mental health and well-being of Ontario students, 19912015: Detailed OSHUHS Findings (Document de recherche de CAMH no 43), Toronto (Ontario), Centre de toxicomanie et de santé mentale, 2016.
10 Ibid.
11 Oliveira, M. « WHO set to recognize video game addiction as ‘disorder’ », The Globe and Mail, 4 avril 2018. Pages consultées : https://www.theglobeandmail.com/life/health-and-fitness/article-who-set-to-recognize-video-game-addiction-as-disorder/, http://www.who.int/features/qa/gaming-disorder/fr/
12 Statistique Canada. Internet et les technologies numériques, 2017, numéro de catalogue : 11-627-M (85 p. 100 des 45 à 54 ans, 75 p. 100 des 55 à 64 ans, 61 p. 100 des 65 à 74 ans, et 35 p. 100 des 75 ans et plus).
13 Commission de la santé mentale du Canada. La cybersanté mentale au Canada : Transformer le système de santé mentale grâce à la technologie, Commission de la santé mentale du Canada, 2014. Page consultée : https://www.mentalhealthcommission.ca/sites/default/files/2016-11/MHCC_E-Mental_Health-Briefing_Document_fr.pdf.pdf
14 Ispos. Public Perspectives: 3rd Annual Canadian Mental Health Check-Up, 2017. Page consultée : https://www.ipsos.com/sites/default/files/2017-08/IpsosPA_PublicPerspectives_CA_April%202017%20Mental%20Health.pdf
15 Ingram, D. « Facebook to expand artificial intelligence to help prevent suicide », Reuters, 27 novembre 2017. Page consultée : https://www.reuters.com/article/us-facebook-suicide/facebook-to-expand-artificial-intelligence-to-help-prevent-suicide-idUSKBN1DR1YT
16Smetanin, P., D. Stiff, C. Briante, C.E. Adair, S. Ahmad, et M. Khan. The Life and Economic Impact of Major Mental Illnesses in Canada: 2011 to 2041, pour le compte de la Commission de la santé mentale du Canada, RiskAnalytica, Toronto, 2011.
17Morneau Shepell. Workplace mental health priorities: 2016, 2016. Page consultée : https://www.morneaushepell.com/permafiles/63434/workplace-mental-health-priorities-2016-report.pdf
18Ibid.
19Ibid.
20Morneau Shepell. « Morneau Shepell finds strong correlation between workplace stress and employee retention », communiqué de presse, 30 janvier 2018. Page consultée : http://morneaushepell.mediaroom.com/2018-01-30-Morneau-Shepell-finds-strong-correlation-between-workplace-stress-and-employee-retention.
21 Ibid.
22Ibid.
23Commission de la santé mentale du Canada. Données du Projet de recherche sous forme d’études de cas, Ottawa (Ontario), Commission de la santé mentale du Canada, 2017. Page consultée : https://www.mentalhealthcommission.ca/sites/default/files/2017-03/case_study_research_project_findings_2017_fr.pdf